Je pioche au hasard dans la bibliothèque d’ouvrages conservés de mes parents et beaux-parents … je n’ose dire hérités, car il ne s’agit que d’éditions banales, qui pourraient faire l’objet d’une séance de désencombrement … les jeter sans doute, car qui voudrait de ces pages jaunies ?
Mais puisque je l’ai en main, j’attaque « Le désert de l’amour » … je m’encourage à coups de Wikipedia : ce roman a reçu le grand prix de L’Académie Française en … 1926, ce n’est pas récent ! Mauriac avait déjà quarante ans, et recevrait le Nobel vingt-six ans plus tard. C’était donc déjà de la vieille littérature que mon professeur de français de quatrième incluait dans nos listes de lecture. Souvenir d’une atmosphère grise, dépeignant une bourgeoisie de province confite dans le non-dit et les rancœurs.
Finalement, je me laisse emporter ; décor et circonstances datent, certes, mais l’écriture concise dépeint à merveille des sentiments et des émotions qui restent actuels : rébellion et timidité du fils adolescent, austérité de façade du père qui refoule ses sentiments paternels et amoureux, couple parental usé par le quotidien, rancune et envie de vengeance qui usent des années de vie avant que finalement des cœurs s’ouvrent, apportant un soulagement résigné devant le bonheur évanoui.
Je poursuis avec « Le nœud de vipères » : même bourgeoisie de province, même atmosphère de huis clos menant de l’indifférence à la haine, avant que la vieillesse et la mort n’apportent la résignation devant ce qui aurait pu être. Et toujours cette écriture au scalpel, qui dissèque l’âme humaine dans ce qu’elle a de moins glorieux.
Je termine avec « Thérèse Desqueyroux », qu’un film tout récent que je n’ai pas vu, remet sous les feux de l’actualité. Le livre dépeint l’enfermement d’une femme intelligente et libre dans ce microcosme de silence et de bienséance qui en a fait une empoisonneuse. Les conventions sont telles qu’il faut sauver la face, et ce n’est qu’aux toutes dernières pages que le destin se dénoue.
J’arrête là … il n’y avait que trois Mauriac dans la bibliothèque familiale, et je ne les en délogerai pas. D’autres après moi peut-être liront d’un œil neuf ces mots du passé qui nous éclairent sur des penchants bien sombres de l’âme humaine.
Irais-je jusqu’à parcourir l’œuvre complète de cet écrivain mort en 1970 ? … probablement pas.
Mais n’oublions pas d’user avec bienveillance de la liberté dont notre époque nous gratifie.